C’est inquiétant

Le marché des changes a peu réagi aux chiffres d’inflation en zone euro. Il considère que la Banque Centrale Européenne (BCE) n’aura pas d’autre choix que de durcir sa politique monétaire jusqu’à arriver à un taux de 4%. Mais il n’anticipe pas que ce ne sera peut-être pas suffisant. L’inflation est clairement répandue dans tous les secteurs de l’économie. Ce sera difficile de lutter contre. La BCE devra peut-être aller au-delà des attentes, ce qui pourrait entraîner un retour de la volatilité sur le FX.

La semaine dernière n’a pas été ponctuée par beaucoup de statistiques mais celles publiées étaient plutôt mauvaises. L’inflation ne montre strictement aucun signe de ralentissement notable en zone euro. L’inflation sous-jacente (qui est la plus importante à surveiller car elle permet de savoir si l’inflation est durable ou pas) a atteint 5,6% en variation annuelle en février. C’est nettement plus que le consensus (5,3%). La hausse s’explique par un bond des produits alimentaires (6,8%) et des services (4,8%). Il s’agit, en l’occurrence, de nouveaux points hauts. A l’inverse, l’énergie continue de refluer (il faut bien une bonne nouvelle). Tout indique désormais que l’inflation est répandue dans tous les segments de l’économie. Elle est élevée et devrait rester durablement proche des niveaux actuels. En revanche, il n’y a toujours pas de boucle prix-salaire. Du point de vue de la dynamique d’inflation, c’est positif (car cela complexifie la tâche pour faire diminuer les pressions inflationnistes). Du point de vue du pouvoir d’achat, c’est dramatique. Si la tendance se poursuit, il est probable qu’on assiste à une forte baisse du pouvoir d’achat réel des ménages européens en 2023. Tous les pays européens sont confrontés à la même situation. En Allemagne, en France et en Espagne, les chiffres du mois de février sont ressortis au-dessus des attentes. Dans le cas de la France, l’inflation a atteint 7,2% en variation annuelle contre 7% prévu. Pendant longtemps, nous étions l’un des deux pays européens à avoir le niveau d’inflation le plus bas (avec Malte). Ce n’est plus le cas. L’inflation est désormais plus élevée en France qu’en Espagne (6,1% en février).

Dans le cas français, la situation pourrait s’empirer à court terme. Les enquêtes d’opinion menées auprès des chefs d’entreprises du secteur des services montrent qu’une majorité d’entre eux envisage d’augmenter les prix. Le problème, c’est que les services représentent près de 50% du panier qui permet le calcul de l’inflation. S’ajoute à cela la flambée des produits alimentaires. Les négociations entre distributeurs et fournisseurs vont alimenter la hausse des prix des produits de base. Cela va devenir de plus en plus compliqué. Ne parlons pas de la grève du 7 mars qui pourrait être prolongée. Le contexte économique se dégrade rapidement en France.

Du point de vue de la politique monétaire, les récents chiffres de l’inflation en zone euro obligent la Banque Centrale Européenne (BCE) à faire preuve de fermeté. Le marché des changes anticipe une hausse de taux de 50 points de base en mars (c’est déjà intégré dans les prix du forex). Mais il prévoit que le cycle de durcissement monétaire perdure à court terme avec une autre hausse de taux d’ampleur similaire en mai (il n’y a pas de réunion de politique monétaire en avril) puis une hausse de 25 points de base en juin prochain. Le taux terminal (qui marque l’arrêt du processus de durcissement) est désormais fixé proche de 4%. Nous pourrions aller au-delà, en fonction de l’évolution de l’inflation. A ce stade, il faut bien reconnaître que faire des prévisions concernant l’inflation implique une marge d’erreur anormalement élevée. Personne ne sait vraiment à quel niveau elle sera dans trois mois (même pas la cohorte d’économistes de la BCE). C’est d’ailleurs ce qu’avait reconnu fin 2022 lors d’une intervention sur BFM Business le chef du département de conjoncture de l’INSEE.

De l’autre côté de l’Atlantique, le marché des devises intègre aussi la possibilité que la lutte contre l’inflation soit plus longue que prévu. Nomura (banque d’origine japonaise) est la première institution financière de premier plan à relever sa prévision de hausse des taux pour la Réserve Fédérale (Fed) en mars. Jusqu’à présent, 90% des intervenants du marché ont prévu une progression de 25 points de base. Nomura évoque une hausse de 50 points de base. Ce n’est pas notre scénario. Mais il faut reconnaître que c’est envisageable, surtout si la Fed souhaite taper fort et montrer sa détermination à faire revenir l’inflation vers sa cible de 2%. Pour être tout à fait transparent, il existe une incertitude importante concernant la trajectoire de la politique monétaire dans les mois à venir (surtout à propos de l’ampleur des hausses de taux). Cela devrait logiquement induire un regain de volatilité sur les paires du forex (en ce début d’année, la volatilité a été plutôt contenue sur beaucoup de devises).

Le point technique

Sur le marché des changes, les tendances sont inchangées. L’EUR/GBP continue d’évoluer autour de la zone des 0,87-0,89. La livre sterling affiche toujours une résilience impressionnante, malgré le contexte économique outre-Manche. La paire EUR/JPY poursuit son envolée et devrait certainement prochainement se rapprocher des 146 maintenant que le marché a compris qu’un revirement de politique monétaire au Japon n’aura pas lieu (la banque centrale a de nouveau indiqué la semaine passée maintenir son biais ultra-accommodant). Du côté de l’EUR/CHF, il y a assez peu de mouvements. La paire évolue toujours proche de la parité mais semble incapable de s’installer durablement au-dessus. Cela montre la force du CHF (qui est en partie la conséquence d’interventions régulières de la Banque Nationale Suisse sur le marché des devises). Enfin, l’EUR/USD affiche une faible performance positive en variation hebdomadaire (+0,60%). Nous sommes toujours positionnés à la hausse à long terme. Mais nous reconnaissons que la paire manque de catalyseurs à court terme pour aller au-delà de la zone des 1,07.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SupportshebdoRésistanceshebdo
S2S1R1R2
EUR/USD1,04541,05351,07711,0930
EUR/GBP 0,85530,86960,89210,8976
EUR/CHF 0,97110,98461,00411,0106
EUR/CAD 1,42011,43111,45341,4643
EUR/JPY 143,54143,73146,66148,66

Les annonces à suivre

L’emploi américain est le principal point d’attention cette semaine. Le consensus des analystes prévoit un retour à la normale au niveau des créations d’emplois (le bond spectaculaire du mois de janvier était une anomalie). Nous doutons que les chiffres attendus provoquent beaucoup de remous sur le marché des changes. Dans l’immédiat, le marché du travail est résilient. Ce n’est donc pas une donnée que la Fed surveille de très près pour ajuster sa politique monétaire. Le problème numéro 1 reste l’inflation. Ce sera sûrement le cas pendant encore de longs mois. A noter que la Banque du Canada (BoC) se réunit ce mercredi. Aucun changement de politique monétaire n’est à prévoir (le statu quo domine après huit hausses de taux consécutives).

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JourHeurePaysIndicateurÀ quoi s'attendre ?
Le 08/03/202316:00USACréations d’emplois non agricoles ADP (Février)Le consensus des analystes prévoit 168 000 créations d’emplois contre 106 000 le mois précédent.
Le 08/03/202316:00CANRéunion de la banque centraleAucun changement de politique monétaire.
Le 10/03/202314:30USARapport sur l’emploi du Département du Travail (Février) Très fort ralentissement des créations d’emplois prévu (passage de 517 000 à 200 000 en l’espace d’un mois). Le taux de chômage pourrait augmenter marginalement (3,5%).

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