Des directions différentes

Nous vous en parlions il y a quinze jours de cela, toutes les banques centrales n’ont pas le même diagnostic de l’état de l’économie et ne vont pas normaliser la politique monétaire au même rythme. Nous en avons eu le parfait exemple la semaine dernière. Sans surprise, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a augmenté son taux directeur principal de 25 points de base. Le taux est désormais situé dans une borne comprise entre 0,25% et 0,50%. La banque centrale prévoit d’augmenter substantiellement ses taux dans l’année en cours. Le taux directeur pourrait être au moins à 2% en décembre prochain et ensuite grimper à 2,8% l’année suivante. La Fed fait de la lutte contre l’inflation sa priorité. Il faut dire que les pressions inflationnistes ne cessent de croître. L’indice des prix à la production est à deux chiffres désormais (10% en variation annuelle en février). Surtout, il n’y a aucun signe immédiat d’atténuation à venir de l’inflation. Les goulets d’étranglement au niveau du commerce international se sont accentués récemment avec le confinement d’une partie de la Chine, le coût de l’énergie reste important, les produits agricoles sont à des niveaux particulièrement hauts et la boucle prix-salaire aux Etats-Unis se renforce. Pour l’instant, la banque centrale américaine considère que l’économie est suffisamment solide pour faire face à un loyer de l’argent nettement plus élevé. Le risque de récession est minime selon le président de la Fed, J. Powell.
Le diagnostic posé par la Banque d’Angleterre (BoE) est un peu différent. L’institution a reconnu que l’inflation va continuer de grimper et pourrait même atteindre 8% vers le milieu d’année. C’est ce qui a légitimé une troisième hausse de son taux directeur, de 0,50% à 0,75%. En revanche, plusieurs membres craignent que l’envolée des prix de l’énergie (le Royaume-Uni est un importateur net) n’entraîne un ralentissement économique voire une récession. On ne peut donc pas exclure qu’après avoir été la première banque centrale d’un grand pays développé à durcir sa politique monétaire, la BoE soit la première à faire une pause. Dans la foulée de l’annonce de la BoE, l’euro a bondi face à la livre sterling de près de 70 pips en l’espace d’à peine quinze minutes. Le marché a été surpris.
La pression s’accentue aussi sur la Banque Centrale Européenne (BCE). L’ère de l’inflation atone est révolue, a reconnu la chef de la BCE, C. Lagarde, lors d’un colloque à Francfort jeudi dernier. L’indice des prix à la consommation en zone euro a été révisé à la hausse en deuxième estimation, à 5,9% en variation annuelle en février (contre 5,8% en première estimation). Ce chiffre élevé est préoccupant car il ne prend pas en compte les conséquences directes de la guerre en Ukraine sur les prix de l’énergie et des matières premières agricoles. On peut redouter que l’inflation bondisse certainement proche de 6,5% en mars. La première estimation sera publiée début avril.
En France, l’INSEE a déjà émis une alerte. C’est assez inhabituel, c’est pourquoi nous le mentionnons aujourd’hui. L’indice des prix à la consommation pourrait passer de 3,6% en février à 4,3% en mars selon les dernières prévisions. En outre, l’institut considère que l’inflation commence déjà à pénaliser la dynamique économique (via la consommation) et ne prévoit une croissance au premier trimestre de cette année qu’autour de 0,3%. Si cela devait se produire, il faudrait tirer un trait sur l’objectif de croissance du gouvernement de 4% pour 2022. Dans le meilleur des cas, nous pourrions atteindre 3%. C’est un atterrissage un peu brutal. Vous l’aurez compris, l’inflation va être un casse-tête durable. Les banques centrales vont être confrontées à un dilemme : doivent-elles lutter à tout prix contre la hausse généralisée des prix quitte à freiner la croissance ou doivent-elle tenter un pilotage fin (hausse limitée des taux en particulier) sans certitude que cela soit vraiment efficace ? Le rôle de l’Etat se pose également. Allons-nous assister à la multiplication des mesures d’aide comme à l’ère de la Covid ?

Sur le marché des changes, l’EUR/USD continue d’évoluer dans un grand range compris entre 1,08 et 1,12. Les niveaux techniques (supports et résistances) n’ont quasiment pas changé par rapport à la semaine dernière. Nous ne voyons pas quel facteur pourrait entraîner une sortie des bornes évoquées pour le moment. L’euro a repris un peu de terrain face à la livre sterling lors des dernières séances. La réunion de la BoE que nous avons mentionnée plus haut a servi d’accélérateur. A court terme, la tendance est haussière en direction des 0,8524. C’est le même scénario qui prévaut pour l’EUR/CHF. Le mouvement de hausse est alimenté par des interventions assez importantes de la part de la Banque Nationale Suisse sur le marché (rachats d’euros et ventes de francs suisses). Le prochain seuil technique à surveiller se situe à 1,0461.

Les supports et résistances affichés ci-dessous indiquent respectivement les points bas et hauts au sein desquels les cours devraient évoluer dans le courant de la semaine.

 SUPPORTSHEBDORÉSISTANCES HEBDO
S2S1R1R2
EUR/USD1,06451,08041,11841,1279
EUR/GBP 0,82260,83100,85240,8599
EUR/CHF 1,01281,02301,04611,0525
EUR/CAD 1,35101,37611,42641,4515
EUR/JPY 123,40127,01134,24137,86

+33 (0)1 48 09 09 83

Cette semaine, l’agenda économique est quasiment vide. Les PMI et l’indice IFO pour l’Allemagne devraient permettre d’avoir une première idée de l’impact possible de la guerre en Ukraine sur la croissance. Mais il n’est pas certain que cela se traduise par un regain de volatilité sur le marché des changes. La dégringolade de l’indice ZEW allemand la semaine dernière n’a pas eu de répercussions sur les paires en EUR. La situation en Ukraine est toujours un élément de préoccupation. Pour l’instant, le marché des changes réagit peu. Nous ne sommes toutefois pas à l’abri de mouvements brusques, comme nous l’avions vu à deux reprises depuis le déclenchement du conflit. Une bonne stratégie de couverture du change est plus que primordiale dans ces circonstances.

Vous trouverez ci-dessous les publications et événements qui devraient avoir un impact majeur sur l’évolution du cours des devises.

JOURHEUREPAYSINDICATEURA QUOI S'ATTENDRE ?
23/0309:30Pmi manufacturier et services (Mars)Importante statistique. Cela permettra de mesurer l’impact de la guerre en Ukraine sur la première économie de la zone euro.
25/0310:00Indice IFO du climat des affaires (Mars)Première publication. Le consensus des analystes prévoit un léger recul à 96,5 contre 98,9 en février. Le recul anticipé est largement attribuable à la guerre en Ukraine.

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